CHASSEURS ET POUVOIR | |
la Chronique Glaiseuse de Marie-Liesse - diffusée le 28.XI.99 | |
"
En 2001, nous ferons le prochain maire d'Amiens. On choisira entre le
communiste
Maxime Gremetz
et l'UDF
Gilles de Robien
.
Noël Mamère
ne sera plus maire de Bègles. Ce sera un communiste, le prochain maire.
D'ailleurs, le
PC
nous a déjà appelés.
(...) Quant aux 36 000 autres maires de France, c'est simple. On va leur envoyer une lettre dans laquelle on leur demandera s'ils approuvent nos propositions pour résoudre les conflits actuels sur la chasse. S'ils ne sont pas d'accord, on en reparlera en 2001. Ce sont 10 000 mecs qui peuvent sauter. Sans parler des conséquences sur les sénatoriales qui suivront... " Voici les propos de Jean Saint-Josse , simple petit patron d'imprimerie, lecteur de l'Equipe, fan de Johnny Hallyday et qui reconnaît n'avoir rien à dire sur le Kosovo ou sur les façons de faire reculer le chômage. Et aussi leader de Chasse-Pêche-Nature-Machin. Cet homme a certainement raison d'être aussi sûr de lui : les politiciens français bavent devant la perspective de gagner des voix et défaillent à l'idée d'en perdre. Or, les chasseurs ne sont pas obligatoirement nombreux, mais ils sont organisés. Les fédérations départementales sont devenues pratiquement des syndicats de défense des chasseurs qui n'hésitent absolument pas à faire pression. Exemple : en juillet, les fédérations du Nord et du Pas-de-Calais, en collaboration avec toutes les associations de chasse, ont adressé un courrier à tous les élus de la région en leur demandant de soutenir publiquement la chasse de nuit à la hutte. En voici la conclusion : " Les 3000 chasseurs de gibier d'eau et leurs familles vous remercient et sauront se souvenir de votre appui ". La fédération du Pas-de-Calais a ensuite mis en place une ligne téléphonique directe afin de " savoir si son maire a répondu favorablement " |
Chapeau, le lobbying ! Et chapeau, les maires, députés et
sénateurs qui font la
carpette devant ces fous de la gâchette qui n'ont qu'une seule aspiration
dans
la vie : la chasse. La chasse devient une vision du monde. Les problèmes
de la
cité, de l'Europe, de l'univers ? Rien à foutre. Ils veulent
canarder, c'est
tout. Saint-Josse, qui est aussi député européen, se
gausse de délaisser ses
obligations d'élus à Strasbourg et Bruxelles parce ce que c'est
la saison ! Il
passe ses journées à attendre les palombes et à en tuer
tant qu'il peut. Et
pourtant, il est censé préparer et voter des lois qui vont
régir la vie des
gens en Europe. Remarquez, il vaut peut-être mieux qu'il soit absent...
Autre facteur de puissance : les fédérations ont beaucoup de sous. Rappelez-vous la manifestation de si bon ton à Paris. La plupart des chasseurs s'étaient vus payer leurs billets par leur fédération... D'autre part, ces mêmes fédérations possèdent entre 200 et 250 millions de francs. Or, selon la loi, les bénéfices nets doivent être reversés à l' Office National de la Chasse (ONC). Pour ne pas avoir à le faire, certaines fédérations se lancent dans des achats de nouveaux sièges luxueux. Dans le Haut-Rhin : 4,1 millions de francs En Ardèche, je vous ai déjà parlé du col de l' Escrinet ... Et en plus, si le rapport Patriat est appliqué, les fédérations géreront les schémas départementaux cynégétiques et créeront des postes d'"agent de développement cynégétique", sorte de police sous leur coupe (ils seraient assermentés) qui contrôlerait la gestion du gibier. Des ambitions électorales, des moyens de pression, de l'argent, mais aussi des relations (non non, c'est pas Dallas...) : la CGT, par exemple (mauvaise relation, ça se discute, mais relation quand même), qui est proche du lobby des chasseurs de gibier d'eau. Ou aussi, des proches de feu François Mitterrand, au sein de la Société de Vénerie. Ou encore, en vrac, des parlementaires, des sénateurs, des grands patrons et des journalistes qui se rencontrent aux chasses de l'ONC sur le domaine de chasse (en France) du roi du Maroc , par exemple, ou dans les battues de la forêt de Chambord, ou dans des chasses organisées par des entreprises comme le Crédit Agricole et Groupama ... Face à cette force d'action, nous, les non-chasseurs, et surtout nous, les anti-ch(i)asse, nous ferions bien aussi de constituer des groupes de pression efficaces et de trouver de nouveaux moyens d'actions pour faire réfléchir nos prétendus représentants "élus du peuple". Alors, camarades et compagnons, levons-nous, et demain... A vos idées !
sources : Le Point, 29 octobre 1999
Le Monde, 19 novembre 1999 |